Orateurs, professeurs, formateurs, conférenciers, organisateurs de séminaires et formations :
Les rémunérations de conférenciers présentant des séminaires et formations peuvent être considérées à 50% comme des droits d'auteur lorsque le syllabus constitue un élément important.
La possibilité de se rémunérer par droits d'auteur permet de réduire la pression fiscale sur les revenus.
Décision anticipée n° 2012.102 du 24.04.2012
Impôt des personnes physiques - Revenus résultant de la cession ou de la concession de droits d’auteur - Conférencier
Résumé
L'orateur qui a créé un support écrit substantiel dont les droits sont partiellement concédés à la société « X », peut prétendre à une rémunération en droits d'auteur (sur base de l'article 17, § 1er ,5° du CIR92) à concurrence de 50 % de l'enveloppe financière fixée par intervention par les parties. Si la société « X »commercialise l'intervention de l'orateur qui a été fixée sur un support numérique (DVD, …), le montant qui sera ainsi attribué à l'orateur pourra dans son intégralité constituer des revenus découlant de la cession ou concession de droits d'auteur, sous réserve que leur montant ait été déterminé conformément au principe de pleine concurrence.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la confirmation que les montants que la société « X » (ci-après le demandeur) versera à l'orateur en contrepartie de la concession de certains droits d'auteur de ce dernier, tels que décrits ci-après, seront qualifiés de revenus mobiliers au sens de l'article 17, § 1er, 5° du Code des Impôts sur les Revenus 1992 (ci-après CIR92).
II. Description de l'opération envisagée
2. Le demandeur a pour ambition de créer une plateforme destinée à mettre en contact des orateurs - avec lesquels il disposera d'un contrat d'exclusivité (pour une durée de 2 ans) - et des organisateurs de conférences ou d'évènements.
3.
4. Dans le cadre de ce contrat d'exclusivité, les orateurs vont concéder au demandeur (ci-après « les Parties »), pour la durée du contrat, une partie de leurs droits d'auteur sur le support qu'ils ont réalisé ou qu'ils réaliseront.
5. En pratique, le contrat que le demandeur va signer avec l'orateur vise d'une part, à obtenir l'exclusivité des interventions de cet orateur et d'autre part, à obtenir le droit d'exploiter le support créé par cet orateur. Pour certains orateurs, la société « X » va également acquérir le droit de fixer leur intervention sur un support (vidéo ou autre) et le droit de le communiquer au public.
6. Le demandeur n'organisera pas lui-même les conférences à laquelle les orateurs participeront. Il joue dès lors un rôle de « producteur » vis-à-vis de ces orateurs. Il n'est néanmoins pas impossible qu'à l'avenir le demandeur prenne en charge l'organisation de conférences.
7. Un forfait (ci-après « l'enveloppe financière ») sera arrêté par les parties pour chaque intervention de l'orateur. Ce forfait couvrira à la fois la rétribution de l'intervention orale et la rétribution de la concession partielle des droits d'auteur de l'orateur sur le support qu'il a réalisé ou qu'il réalisera.
8. Le demandeur souhaite obtenir la confirmation que les montants qu'il versera aux orateurs, en contrepartie de la concession de droits d'auteur en sa faveur, seront qualifiés de revenus mobiliers au sens de l'article 17, § 1er, 5° du CIR92.
III. Décision
Il ressort de l'examen approfondi auquel s'est livré le SDA que :
A. Principes généraux
9. L'article 17, §1er, 5°, CIR92 tel qu'inséré par l'article 2 de la loi du 16.7.2008 modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins (MB 30.7.2008 ci-après L 16.7.2008) dispose que : « les revenus des capitaux et biens mobiliers sont tous les produits d'avoirs mobiliers engagés à quelque titre que ce soit, à savoir : […] les revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d'auteur et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires, visés par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins ou par des dispositions analogues de droit étranger ».
10. Conformément à l'article 17, §1er, 5°, CIR92, sont imposables à titre de revenus de capitaux et biens mobiliers, les revenus issus de :
la cession ou la concession de droits d'auteur et de droits voisins ;
ainsi que de licences légales et obligatoires
visés par la L 30.6.1994 ou visés par des dispositions analogues de droit étranger.
11. Il convient de raisonner en trois étapes pour déterminer si les revenus attribués à un auteur ou à un artiste sont visés par la L 16.7.2008 :
1° l'œuvre qui lui a permis d'acquérir des revenus est-elle une œuvre protégée (c.-à-d. une œuvre visée par la L 30.6.1994) ?
2° les droits pécuniaires sur l'œuvre ont-ils été cédés ou concédés ?
3° les revenus découlent-ils de la cession ou de la concession de ses droits pécuniaires sur l'œuvre ?
a) Œuvre protégée
12. Les notions de droits d'auteur, droits voisins, licences légales et obligatoires sont celles contenues dans la L 30.6.1994.
13. En vertu de l'article 8 de la L 30.6.1994, « par œuvres littéraires, on entend les écrits de tout genre, ainsi que les leçons, conférences, discours, sermons ou toute autre manifestation orale de la pensée. Les discours prononcés dans les assemblées délibérantes, dans les audiences publiques des juridictions ou dans les réunions politiques, peuvent être librement reproduits et communiqués au public, mais à l'auteur seul appartient le droit de les tirer à part ».
14. L'on peut également se référer à la définition figurant dans la Convention de Berne du 9.9.1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques.
15. Selon l'article 2.1 de la Convention de Berne, il s'agit de toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu'en soit le mode ou la forme d'expression, telles que : les livres, brochures et autres écrits ; les conférences, allocutions, sermons et autres œuvres de même nature ; les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales ; les œuvres chorégraphiques et les pantomimes ; les compositions musicales avec ou sans paroles ; les œuvres cinématographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la cinématographie ; les œuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ; les œuvres photographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la photographie ; les œuvres des arts appliqués ; les illustrations, les cartes géographiques, les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture ou aux sciences.
16. Pour jouir de la protection de la L 30.6.1994, une création doit remplir deux conditions [1] :
être exprimée dans une certaine forme, qui permet sa communication au public, l'idée n'étant pas protégeable ;
être originale, marquée par la personnalité de son ou de ses créateurs.
b) Cession ou concession des droits
17. Les notions de "cession et concession" sont à entendre au sens du droit commun.
c) Revenus découlant de la cession ou de la concession de droits d'auteur sur l'œuvre
18. Afin de déterminer si les revenus découlent d'une cession ou d'une concession des droits pécuniaires sur l'œuvre, il convient d'apprécier les éléments de droit et de fait propres à chaque cas, sachant qu'il conviendra, le cas échéant, de distinguer :
d'une part, la rétribution de la prestation de l'auteur ou de l'artiste, c'est-à-dire les revenus obtenus en contrepartie de l'exercice de son art, de l'activité même qui crée, le cas échéant, l'œuvre littéraire ou artistique. Cette rétribution est en principe imposable à titre de revenus professionnels (profits ou rémunérations) ;
d'autre part, la rétribution résultant de la cession ou de la concession à un tiers de droits d'auteur, droits voisins ou de licences légales et obligatoires afférents à une œuvre littéraire et artistique.
19. La ventilation éventuelle entre revenus mobiliers et revenus professionnels au sens strict sera notamment opérée sur la base des termes de la convention.
20. Il convient dès lors d'examiner les clauses contractuelles aux fins d'identifier la portée de la convention et les modalités de rémunération des prestations en fonction de leur nature.
21. On souligne qu'il est possible d'observer des situations dans lesquelles la cession ou la concession de droits d'auteur et de droits voisins est opérée à titre gratuit.
22. Il sera considéré que tel est le cas en l'absence de convention ou en présence de conventions qui, nonobstant les exigences de la L 30.6.1994 ne précisent pas la quotité de la rémunération spécifiquement afférente à la cession ou à la concession de droits d'auteur ou de droits voisins.
23. L'article 3, §1er de la L 30.6.1994 précise à ce sujet que « pour chaque mode d'exploitation, la rémunération de l'auteur, l'étendue et la durée de la cession doivent être déterminées expressément ».
24. Outre la convention, il conviendra également d'être attentif aux éléments de fait propres à chaque cas d'espèce afin de déterminer si la rétribution obtenue par l'auteur rémunère exclusivement, partiellement ou aucunement une (con)cession de droits d'auteur ou de droits voisins.
25. A cet égard devront notamment être pris en compte :
le(s) domaine(s) d'activité de l'auteur concerné ainsi que sa(ses) spécialité(s) ;
l'organisation de son travail, ses relations avec l'éventuel débiteur de droits d'auteur ;
le mode de rémunération appliqué et les critères retenus pour fixer celle-ci ;
le remboursement éventuel des frais supportés par l'auteur.
B. En l'espèce
Des éléments communiqués par le demandeur, il ressort que :
a) Œuvre protégée
a.1. Œuvre protégée : support écrit délivré par l'orateur
26. Les supports écrits qui seront réalisés par les orateurs et qui seront distribués aux participants lors des conférences, pourraient constituer des œuvres littéraires protégées par la loi du 30.6.1994.
a.2.) Œuvre protégée : fixation de la conférence sur support numérique
27. L'intervention de l'orateur qui sera fixée sur un support numérique comme un DVD peut bénéficier de la protection accordée par la loi du 30.6.1994.
b) Cession ou concession des droits
28. Le demandeur revendique l'application de l'article 17, §1er, 5°, CIR92, ce qui présuppose la cession ou la concession de droits d'auteur.
29. Pour pouvoir exploiter les interventions de l'orateur, que ce soit au travers du support écrit (document divers) que pourront obtenir les participants qu'au travers de la vente de supports numériques (DVD, …) sur lesquels sont fixés les interventions orales des conférenciers,…, il est nécessaire que la société « X » acquiert les droits d'auteur dont disposent les différents orateurs.
30. Il peut par conséquent être admis que les droits d'auteur relatifs aux supports écrits réalisés par les orateurs ont été concédés à la société « X ».
c) Revenus découlant d'une cession ou d'une concession de droits d'auteur sur l'œuvre
31. Les conventions qui sont conclues entre la société « X » et les orateurs prévoient les différentes situations suivantes :
1) L'orateur n'a pas réalisé ou ne souhaite pas réaliser un support :
32. En l'absence de support, aucune concession de droits d'auteur ne sera nécessaire de sorte que la rétribution attribuée à l'orateur, pour sa participation à une conférence, ne constituera que la contrepartie de son intervention orale.
33. Le traitement fiscal de cette rétribution sera déterminé en fonction de la situation propre à chaque orateur. Le traitement fiscal de ce revenu n'est pas visé par la présente demande.
34. Cette situation ne nécessite aucune analyse particulière de la part du SDA.
2) L'orateur a créé un support dont les droits ont été cédés, à titre exclusif, à un tiers (par exemple un éditeur) :
35. Les droits ayant été cédés à un tiers, la société « X » ne pourra acquérir des droits sur ledit support.
36. Aucune cession ou concession de droits d'auteur n'intervenant entre l'orateur et le demandeur, la rétribution attribuée à l'orateur, pour son intervention à une conférence, ne constituera que la contrepartie de cette intervention.
37. Le traitement fiscal de cette contrepartie sera déterminé en fonction de la situation propre à chaque orateur. Le traitement fiscal de ce revenu n'est pas visé par la présente demande.
38. Cette situation ne nécessite aucune analyse particulière de la part du SDA.
3) L'orateur a créé un support écrit dont les droits sont partiellement concédés à la société « X » :
39. En contrepartie de la concession du droit de reproduire le support écrit et du droit de fixer l'intervention de l'orateur sur un support (vidéo ou autre) et de la communiquer, sous forme d'extrait et gratuitement, au public par toute forme d'exploitation, il sera attribué par la société « X » à l'orateur une rémunération pour la concession des droits d'auteur (sur base de l'article17, §1er, 5°, CIR92) à concurrence de 50% de l'enveloppe financière fixée par intervention par les parties.
40. En contrepartie de son intervention, l'orateur percevra également une rétribution (le « cachet ») à concurrence de 50% de l'enveloppe financière fixée par intervention par les parties.
41. Pour autant que le support écrit soit substantiel, le SDA estime que la répartition proposée par le demandeur peut être acceptée.
4) La société « X » commercialise l'intervention de l'orateur qui a été fixée sur un support vidéo
42. Enfin, si la société « X » commercialise l'intervention de l'orateur ayant fait l'objet d'une fixation sur un support (vidéo ou autre), la société « X » versera, au titre de droits d'auteur, en sus des contreparties visées plus haut, un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par la société en raison de l'exploitation du support sur lequel a été fixée l'intervention dudit orateur.
43. Ce pourcentage sera librement déterminé par les parties.
44. Le montant qui sera ainsi attribué à l'orateur pourra dans son intégralité constituer des revenus découlant de la cession ou concession de droits d'auteur, sous réserve que leur montant ait été déterminé conformément au principe de pleine concurrence.
***
Eu égard à ce qui précède, le Collège du SDA, en sa séance du 24 avril 2012, décide que :
45. L'orateur qui n'a pas réalisé ou ne souhaite pas réaliser un support, ne peut pas prétendre à une qualification des revenus perçus en revenus mobiliers au sens de l'article 17, § 1er, 5°du CIR92.
46. L'orateur qui a créé un support dont les droits auront été cédés, à titre exclusif, à un tiers (par exemple un éditeur), ne peut pas prétendre à une qualification des revenus perçus en revenus mobiliers au sens de l'article 17, § 1er, 5°du CIR92.
47. L'orateur qui a créé un support écrit substantiel dont les droits sont partiellement concédés à la société « X », peut prétendre à une rémunération en droits d'auteur (sur base de l'article 17, § 1er ,5° du CIR92) à concurrence de 50 % de l'enveloppe financière fixée par intervention par les parties.
48. Si la société « X » commercialise l'intervention de l'orateur qui a été fixée sur un support numérique (DVD, …), le montant qui sera ainsi attribué à l'orateur pourra dans son intégralité constituer des revenus découlant de la cession ou concession de droits d'auteur, sous réserve que leur montant ait été déterminé conformément au principe de pleine concurrence.
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